Les mois sont une facétie de l’homme, une invention, la nature elle n’a que faire du chapelet des jours que l’on égrène dans nos calendriers. Il n’y a que deux saisons, celle où l’herbe et les arbres poussent, et l’autre, où la nature semble en attente, d’une résignation tranquille. Le passage de l’une à l’autre est l’un des plus beaux moments de l’année.
Les frémissements arrivent alors. L’herbe doucement jaunie est caressée par le vent, les monts tranquilles semblent presque soulagés d’échapper, une fois de plus, à la frénésie de l’été.
Peu à peu, les ombres s’allongent, le vert n’est plus tout à fait vert. Mais les arbres semblent attendre, timides, le déclic, le signal, quelque chose d’indicible. Qui osera se lancer ? Qui déclenchera la flambée automnale ?
Il y a toujours des plus pressés que d’autres. Des feuilles s’impatientent déjà en canopée. Plus loin dans la hêtraie, une branche insolente voudrait en découdre, de suite.
Les rivières savent que l’heure viendra, tôt ou tard. Il n’y pas de quoi perturber le mouvement séculaire des flots. Pour l’instant.
Et puis soudain, ce sont les ruées de l’or. On ne sait trop comment ni pourquoi, mais tout se précipite en quelques jours. Les teintes cuivrées jaillissent des houppiers, les branches ploient sous un déferlement de couleurs. Une soudaineté aussi furieuse que brève, car le vent s’invite à la fête, souvent.
Et la neige, la première neige. Nos pensées encore agrippées aux heures douces de l’été, elle nous surprend toujours. Certains la désirent, mais beaucoup la rejettent. On pense qu’elle arrive toujours trop tôt, impromptue. Il est venu le temps où la nature reprend ses droits, le temps où elle va nous imposer nos rythmes, nos activités, nos déplacements.
Le saupoudrage est d’abord délicat, un voile presque transparent. L’hiver est tout en pudeur.
Puis les choses s’accélèrent. Les arbres engourdis se parent d’un manteau de givre.
Nous y sommes. Hatsuyuki, la première neige. Un cadeau. Ce ne sont peut être que les premiers soubresauts, mais qui peut oser dire que les voiles de l’hiver ne sont pas déjà déployés ?
Emmanuel
Images prises dans les monts Dore (Auvergne) entre fin août et fin octobre 2010.
Hatsuyuki est un mot japonais qui signifie 'première neige'.